Radical Candor : un feedback exigeant et bienveillant.
Le feedback est l'un des leviers les plus puissants pour favoriser le développement des collaborateurs, améliorer les performances et renforcer la cohésion d'une équipe. Cependant, il ne suffit pas de donner des retours. Il est essentiel de savoir comment les formuler de manière constructive et efficace.
Le modèle Radical Candor de Kim Scott, qu’elle détaille dans son livre du même nom, traduit en français par “En toute franchise”, offre une approche novatrice qui combine sincérité et bienveillance. Découvrez les différentes postures du feedback et comment elles influencent la dynamique d'une équipe.
Les deux dimensions fondamentales du feedback
Le modèle repose sur deux dimensions clés : la bienveillance et l’exigence.
L’attention personnelle (care personally)
Cette attention souvent traduite par “bienveillance” est l’attention que le leader porte à la personne. Elle se traduit par un respect des émotions et de la dignité de l’individu. Un feedback bienveillant est celui qui prend en compte le bien-être du collaborateur, qui l’encourage et soutient son développement personnel et professionnel. La bienveillance ne signifie pas "ne rien dire", mais plutôt savoir trouver la bonne manière d’aborder les sujets sensibles. Cela permet de créer une relation de confiance et de renforcer l’engagement des collaborateurs.
La remise en question frontale (challenge directly)
La remise en question frontale souvent simplifiée en “exigence” correspond à la rigueur et à la clarté des attentes. Il s'agit de donner des retours précis, factuels et ciblés sur des comportements ou des résultats spécifiques. Un feedback rigoureux est un feedback qui permet au collaborateur de comprendre ce qu'il doit améliorer, comment il peut y parvenir et pourquoi c’est important. La rigueur est essentielle pour que le collaborateur puisse se développer et s'améliorer.
Les quatre postures du feedback selon le modèle Radical Candor
Le modèle de Radical Candor distingue quatre grandes postures de feedback en fonction de deux dimensions fondamentales vues ci-dessus. Ces deux dimensions déterminent la qualité du retour donné. Selon Kim Scott, un feedback efficace doit naviguer entre ces deux pôles, en cherchant à maximiser les bénéfices tout en minimisant les risques d'inefficacité.
Voici un aperçu des quatre postures que chaque manager peut adopter :
Le modèle Radical Candor de Kim Scott
1. Ruinous Empathy (empathie dévastatrice)
Cette posture se caractérise par une volonté excessive de protéger l'autre, au détriment de la transparence nécessaire. Le leader, par crainte de faire du tort à son collaborateur, évite de donner des retours négatifs, même lorsque ceux-ci sont essentiels à la progression. Bien que l'intention soit positive, cette forme de feedback empêche les personnes de se confronter à leurs erreurs et d'évoluer. Elle peut aussi engendrer un sentiment de frustration chez les collaborateurs, qui ne savent pas ce qu’ils doivent améliorer.
Exemple : Un manager observe un membre de son équipe ne respectant pas les délais sur un projet important. Plutôt que d'aborder la situation directement, il préfère se concentrer sur les aspects positifs du travail et ignore la question des délais. Résultat : la situation ne s'améliore pas, et l'équipe perd en efficacité.
2. Manipulative Insincerity (double-jeu manipulateur)
Dans cette posture, le feedback est vague, ambigu ou délibérément flou. Le leader ne s’engage pas réellement dans la relation, soit par manque d’intérêt soit pour éviter de prendre des risques relationnels. Ce type de feedback est souvent perçu comme une forme de manipulation, car il ne sert ni à améliorer la performance, ni à aider la personne à se développer.
Exemple : Lors d’une réunion, un manager peut dire à un collaborateur qu’il “fait bien son travail”, sans entrer dans le détail de ce qui pourrait être amélioré. Bien que ce commentaire semble positif, il n’apporte aucune information constructive et n’aide en rien à progresser.
3. Obnoxious Aggression (agressivité insupportable)
Ici, le leader est direct, mais sa communication est brutale. Le feedback est donné de manière tranchée, sans prendre en compte les émotions ou la réaction de la personne. Cette approche peut générer des tensions, de la méfiance et un manque de confiance. Si le retour est honnête, il manque toutefois de respect et de bienveillance, ce qui nuit à la relation.
Exemple : Un dirigeant, lors d'une réunion de suivi, dit à un collaborateur devant l'équipe : "Vous avez encore raté cette tâche, vous n’arrivez jamais à faire les choses correctement." Ce type de feedback est blessant et crée une ambiance négative au sein de l’équipe.
4. Radical Candor (sincérité bienveillante)
Le Radical Candor est la posture idéale, qui allie rigueur et bienveillance. C’est un feedback direct, honnête et respectueux, qui cherche à aider le collaborateur à progresser tout en reconnaissant ses efforts. Le leader qui adopte cette posture exprime ses attentes clairement, tout en montrant une réelle considération pour la personne. Le but est de contribuer au développement des compétences, à la confiance et à l'autonomie du collaborateur.
Exemple : Un manager remarque qu’un de ses collaborateurs a fait une erreur dans un projet important. Il aborde la situation en expliquant : "J’ai vu que tu n’as pas respecté la procédure pour ce projet, et cela a eu des conséquences. Je sais que tu peux faire mieux et je voudrais qu’on travaille ensemble pour améliorer ce point." Ce feedback est clair, mais il est aussi empreint de soutien et d’empathie. Il permet au collaborateur de comprendre son erreur sans se sentir jugé ou dévalorisé.
Comment passer des postures inefficaces à Radical Candor ?
Le passage des trois postures moins efficaces à celle du Radical Candor demande un ajustement dans la manière dont le leader perçoit et transmet le feedback. Ce processus implique de repenser les dynamiques relationnelles et d’adopter une approche plus équilibrée entre exigence et bienveillance.
Voici comment un manager peut évoluer vers un feedback plus constructif, en prenant l'exemple de la situation de non-respect des délais dans un projet important.
1. De la Ruinous Empathy à Radical Candor
La Ruinous Empathy se caractérise par un manque de confrontation à la réalité, même si l’intention est de préserver la relation. Passer de cette posture à Radical Candor nécessite d'accepter que le bien-être d’un collaborateur ne réside pas uniquement dans la préservation de son égo.
Le manager doit comprendre que ne pas aborder un problème, comme le non-respect des délais, peut être préjudiciable à la fois à la personne et à l’équipe. En passant à Radical Candor, le manager doit reconnaître l’effort fourni par son collaborateur, mais aussi souligner les conséquences du retard et offrir des pistes d'amélioration. Cela montre au collaborateur qu’il est capable de s’améliorer tout en étant soutenu.
2. De la Manipulative Insincerity à Radical Candor
Dans la posture de Manipulative Insincerity, le manager donne un feedback vague, ne prenant pas de risque relationnel en donnant des retours honnêtes. Cette forme d’évitement peut sembler plus confortable à court terme, mais elle est néfaste à long terme. Pour passer à Radical Candor, il faut abandonner la fausse bienveillance et offrir un retour précis.
Au lieu de dire simplement "Tu fais bien ton travail", le manager doit préciser ce qui fonctionne et ce qui nécessite une amélioration. Par exemple, "Tu as bien géré l’aspect créatif du projet, mais le respect des délais a été un problème. Comment penses-tu que l’on pourrait mieux organiser ce point à l’avenir ?" Ce feedback met en lumière des actions concrètes et ouvre la porte à une collaboration pour une amélioration continue.
3. De l'Obnoxious Aggression à Radical Candor
Lorsque le manager adopte une approche agressive, il se concentre uniquement sur la rigueur sans prendre en compte l’impact sur la personne. Ce type de feedback peut générer de la résistance, de la démotivation, et peut nuire à la confiance. Pour passer de cette posture à Radical Candor, le manager doit apprendre à exprimer clairement ses attentes tout en faisant preuve de respect.
Un retour comme "Tu n’as pas respecté la procédure pour ce projet et cela a eu des conséquences importantes" doit être accompagné d’une suggestion constructive pour l’avenir, telle que "Je sais que tu peux faire mieux. Travaillons ensemble pour clarifier les étapes à suivre et éviter ce type d’erreur." Cette approche montre une volonté de soutien tout en maintenant des attentes claires et des standards élevés.
Intégrer le Radical Candor dans votre gestion d’équipe
Pour un dirigeant, l'implémentation du Radical Candor au sein de l’entreprise nécessite de considérer plusieurs facteurs cruciaux :
L’intégration du Radical Candor dans les pratiques quotidiennes
Pour que cette approche soit réellement efficace, elle doit être intégrée dans les processus quotidiens de management, tels que les réunions de suivi, les évaluations de performance, ou encore les moments de feedback informels.
La gestion des résistances au feedback direct
Il est important de savoir gérer la résistance des collaborateurs au feedback, notamment ceux qui ont du mal à accepter des critiques, même pour leur propre développement. Il faut créer un environnement sécurisé où les retours sont réellement constructifs et non perçus comme des attaques personnelles.
Suivi et évaluation de l’efficacité du feedback
Le leader doit suivre les progrès après avoir donné des retours et ajuster sa manière de faire en fonction de l’impact sur les collaborateurs.
Les bénéfices d'une culture du feedback direct et bienveillant sont clairs. Elle a un impact significatif sur la performance de l’entreprise en développant les compétences individuelles et en générant des résultats concrets comme une meilleure réactivité, un respect accru des délais ou une augmentation de la productivité. Elle joue aussi un rôle clé dans la rétention des talents : un feedback constructif et régulier renforce l’engagement des collaborateurs, leur montre qu'ils sont soutenus dans leur développement et favorise leur fidélisation sur le long terme. En nourrissant des relations saines par des feedbacks francs mais respectueux, elle contribue à améliorer l'engagement des équipes, pilier fondamental de la performance collective. Enfin, en s’appuyant sur les principes du Radical Candor, elle permet de développer une culture de la transparence, indispensable pour installer un feedback continu et constructif, essentiel à une gestion efficace du changement.
Dans mes formations en management et leadership, j'utilise le modèle Radical Candor pour aider les dirigeants et managers à adopter une nouvelle posture face au feedback. Cette approche permet de se questionner autrement sur la manière de communiquer avec ses équipes, en privilégiant cet équilibre entre bienveillance et rigueur. Au-delà des outils et méthodes pratiques que vous retrouverez dans mon autre article sur le feedback, ce modèle permet aux leaders de mieux comprendre la dynamique de leur relation avec leurs collaborateurs.
Le Radical Candor aide les leaders à :
Réfléchir à leur posture : Comment la bienveillance et la rigueur se manifestent-elles dans mes échanges avec mon équipe ? Sont-ils assez transparents et directs tout en étant attentifs au bien-être de mes collaborateurs ?
Mieux comprendre la relation au feedback : Le modèle aide à dépasser la simple mise en œuvre de techniques pour amener les dirigeants à se questionner sur leurs motivations, leur sincérité et l’impact de leurs retours.
En adoptant l’esprit Radical Candor, les dirigeant.es peuvent non seulement améliorer la performance individuelle et collective, mais aussi instaurer une culture de confiance et de transparence dans toute l’organisation.
Vous souhaitez aller plus loin ?
Ce modèle fait partie des outils que j’utilise en coaching individuel, en accompagnement d’équipe ou encore des programmes leadership. Si vous souhaitez l’explorer pour vous-même ou pour votre équipe, je serais ravie d’en discuter avec vous.
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